Sorti le 5 juin dans les salles à Hong Kong, Valley in the Shadow of Death est un drame qui marque le retour du vénérable Anthony Wong Chau-sang, face au jeune George Au Chun-ho, membre du boys band P1X3L. Réalisé par Sen Lam et Antonio Tam dont c’est le premier long métrage, le film a fait forte impression lors de sa présentation en festivals, en abordant de front des thèmes comme la foi, la culpabilité et le pardon.
Une tragédie intime
Le récit s’ouvre sur une tragédie : la fille d’un pasteur s’est suicidée après avoir été violée. Quelques années plus tard, son agresseur, désormais adulte, sort de prison. Le père est alors confronté à une question insoutenable : celle du pardon. Le film plonge dans les dilemmes moraux d’un homme rongé par le deuil et la colère, et dans le trouble d’un jeune homme confronté à la violence de sa propre histoire.
Anthony Wong livre une performance saisissante, tout en tension contenue. George Au, dans son premier rôle au cinéma, s’est préparé en perdant du poids, en refusant le maquillage et en s’imprégnant de documentaires sur la délinquance juvénile. Il cite notamment Better Days de Derek Tsang avec Zhou Dongyu et Jackson Yee comme source d’inspiration.
Une collaboration intergénérationnelle
Le film gagne en intensité grâce à la relation entre les deux acteurs. George Au raconte son admiration pour Wong, qui a su imposer une rigueur silencieuse sur le plateau. Une scène de marche en montagne, très physique, a marqué les esprits : Anthony Wong, amateur de randonnée dans sa jeunesse, y a retrouvé une émotion particulière, presque autobiographique.
Anthony Wong : introspection d’un vétéran
Icône du cinéma hongkongais (À Toute Epreuve, Untold Story, OCTB, Infernal Affairs), Anthony Wong livre ici un rôle plus personnel, nourri de souvenirs douloureux. Il confie avoir puisé dans ses propres regrets, notamment familiaux. « Certains pensent que je suis devenu plus doux, mais c’est juste que je n’ai plus la force », dit-il, lucide sur sa trajectoire. Sa performance est d’autant plus bouleversante qu’elle semble résonner avec sa propre histoire.
Une œuvre de rupture
À en juger par son sujet et sa réception en festival, Valley in the Shadow of Death s’inscrit dans une veine plus introspective. Le film semble privilégier la sobriété narrative et l’émotion brute, se détachant des recettes habituelles du cinéma populaire hongkongais. Ce choix marque une volonté de renouvellement, aussi bien dans le fond que dans la forme.
Héritage et renouveau
À l’instar de The Last Dance d’Anselm Chan l’année dernière, Valley in the Shadow of Death témoigne peut-être d’une évolution salutaire pour un cinéma hongkongais trop souvent figé dans la nostalgie. En rompant avec les figures archétypales des années 80 et 90, ces œuvres esquissent une renaissance possible — plus audacieuse, plus contemporaine.
Ce renouveau pourrait aussi passer par des modèles moins populaires mais tout aussi inspirants : ceux de la Nouvelle Vague hongkongaise. Des cinéastes comme Ann Hui, Allen Fong, Yim Ho, Patrick Tam ou Mabel Cheung ont prouvé qu’un cinéma personnel, ancré dans le réel et formellement ambitieux, pouvait exister en marge du pur divertissement.
C’est peut-être en renouant avec cet esprit d’indépendance que le cinéma hongkongais retrouvera sa vitalité. Non pas en regardant en arrière, mais en affirmant une modernité libre et habitée — portée par une nouvelle génération prête à s’émanciper des figures tutélaires.