Le kung-fu version 2.0 : les studios chinois lancent un plan de remakes par IA

À l’heure où Hollywood s’interroge encore sur la place de l’intelligence artificielle dans la création cinématographique, les studios chinois prennent une tout autre direction. Réunis en marge du Festival International du Film de Shanghai, plusieurs grands noms de l’industrie ont levé le voile sur une ambitieuse initiative qui entend redonner vie, par l’IA, à une centaine de classiques du cinéma d’arts martiaux.

Porté par la China Film Foundation, le projet intitulé Kung Fu Movie Heritage Project – 100 Classics AI Revitalization ambitionne de faire revivre les œuvres emblématiques qui ont bâti la légende du cinéma d’action chinois. Parmi les titres annoncés figurent La Fureur de Vaincre de Lo Wei avec Bruce Lee, Drunken Master de Yuen Woo-Ping avec Jackie Chan, ou encore Il Etait une Fois en Chine, réalisé par Tsui Hark avec Jet Li. Ces films vont bénéficier d’une relecture complète grâce à l’intelligence artificielle, incluant une remise à niveau visuelle et sonore, tout en respectant l’esthétique et l’esprit des originaux.

Ce projet ne se limite pas aux films d’arts martiaux : une version animée intégralement produite par IA de A Better Tomorrow de John Woo est également en cours. Selon ses promoteurs, ce A Better Tomorrow : Cyber Frontier est présenté comme le tout premier long métrage d’animation conçu par un processus IA intégral, transformant le personnage de Chow Yun-Fat en un anti-héros cyberpunk.

Zhang Pimin, président de la China Film Foundation, a décrit ces films comme des « trésors esthétiques historiques », affirmant que cette initiative visait à adapter leur langage visuel aux standards du public contemporain. Il y voit une démarche à la fois patrimoniale et expérimentale, une façon d’explorer les nouvelles voies artistiques qu’offre la technologie.

Tian Ming, président de Shanghai Canxing Culture and Media, l’un des principaux partenaires du projet, a annoncé la mise en place d’un fonds de 100 millions de yuans (près de 14 millions de dollars) pour lancer cette transformation. Il promet un travail qui, tout en rendant hommage aux œuvres originales, renouvellera leur impact visuel pour les générations futures. L’appel est d’ailleurs lancé aux studios d’animation IA les plus innovants du monde pour rejoindre ce qui est présenté comme une « révolution cinématographique ».

Parmi les autres partenaires figurent la branche spécialisée de la China Film Foundation dédiée au développement urbain, ainsi que Quantum Animation, déjà à l’origine du A Better Tomorrow version cyberpunk.

Au cœur du plus grand festival de cinéma de Chine, les discussions autour de l’IA se sont multipliées, à l’image du montage d’ouverture qui mêlait images de films cultes à des séquences générées par algorithmes. Le gouvernement chinois, fervent soutien des technologies émergentes, a d’ailleurs renforcé son cadre réglementaire, avec des directives destinées à encadrer le développement de l’IA générative tout en en favorisant l’essor.

Présente elle aussi à Shanghai, Zhai Xuelian, secrétaire générale de l’Alliance d’investissement pour l’industrie chinoise de la science-fiction, a salué cette alliance entre patrimoine culturel et technologies futuristes. Selon elle, cette initiative trace une voie vers l’avenir pour les œuvres classiques, leur offrant de nouvelles perspectives d’existence tout en transmettant la vitalité de la culture chinoise à l’échelle mondiale.

On peut débattre des impacts de l’IA sur les métiers du cinéma ou des données utilisées pour l’entraîner, mais ici, le plus troublant reste l’idée de remplacer la prouesse physique humaine par un algorithme. Qui voudrait vraiment voir Jackie Chan remplacé par un double numérique ? Son cinéma, c’est l’esprit de l’acrobate du cirque, du funambule, et même une forme de masochisme assumé qui donnait un mélange de danger et de virtuosité qui nous laissait ébahis. En termes d’action, rien ne remplace la vérité du corps en mouvement qui défie la gravité.

Il est évident que l’IA fait – et fera – partie de notre quotidien dans l’avenir, et qu’elle laissera sur le côté ceux qui n’ont pas pris ce chemin, comme l’ont été ceux qui sont restés fidèles à la calèche lors de l’arrivée de l’automobile, parce qu’ils ne croyaient pas en elle. Ce n’est qu’une question de temps. Il est tout aussi évident qu’un marché émergera pour des productions cinématographiques intégralement conçues par IA.

Avec l’essor de l’intelligence artificielle, de nombreux producteurs voient désormais un moyen rapide et relativement peu coûteux de générer du « contenu », au sens le plus large et désastreux du terme. L’IA permet de rationaliser les étapes de production, d’automatiser l’écriture, l’animation ou encore le montage, transformant ainsi le cinéma en un flux continu de produits calibrés. Ce n’est plus nécessairement l’œuvre qui prime, mais sa capacité à exister, à remplir des catalogues et à capter l’attention, même fugacement.

Reste à savoir ce que le grand public décidera, car c’est de lui que dépend la forme générale que prendra le cinéma à l’avenir : une curiosité de niche ou bien un nouveau pilier de création artistique ? Certains blockbusters aux intrigues réduites à un timbre-poste et à la mise en scène standardisée, comme Jurassic World : Le Monde d’Après, nous forcent déjà à poser la question : qu’est-ce qui sépare encore, concrètement, les créateurs humains de ce genre de film d’une IA bien entraînée ? Le débat ne fait que commencer.

À Propos de Tirry

Créateur et rédacteur en chef de Celestial Empire, connu également pour être le tenancier du site Jackie Chan France

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