Annoncé en grande pompe pour le 31 juillet 2025, le film chinois 731, qui suscitait une attente record sur les plateformes de billetterie, a purement et simplement disparu des radars. Plus aucune trace sur les sites de réservation. Plus aucune annonce. Aucun communiqué officiel.
Le retrait de 731 est désormais confirmé, mais reste inexpliqué. Une décision d’autant plus surprenante que le film figurait, quelques jours plus tôt, en tête des intentions de visionnage sur les plateformes spécialisées. À la veille de sa sortie prévue, la disparition du calendrier des sorties du 31 juillet (7/31 soit le même jour que le nom du film) interroge le public chinois : pourquoi une œuvre aussi attendue, sur un sujet aussi lourd, choisit-elle de se retirer discrètement au lieu d’un report transparent ?
Ci-dessous un premier trailer révélé en septembre 2024 :
À bien y regarder, le contexte n’est pas anodin. L’été 2025 aurait pu voir coexister trois œuvres sensibles autour des crimes de guerre commis par l’armée japonaise durant l’invasion de la Chine : Dead to Rights (véritable carton du moment au box office), le blockbuster Dongji Rescue (prévu le 8 août) et 731. Trois films historiques, trois récits d’une mémoire encore vive. De plus, les deux premiers sont soutenus respectivement par les distributeurs China Film Group et Alibaba Pictures, 731 par Changchun Film Studio : le rapport de force est clair.
Mais l’absence de toute explication officielle laisse libre cours aux spéculations. Plusieurs raisons sont évoquées en coulisses.
Un retard dans la délivrance du visa d’exploitation ?
Contrairement à certaines idées reçues, ce précieux visa n’est jamais délivré un an à l’avance. Les exemples récents sont parlants : Dead to Rights, sorti le 25 juillet, n’a reçu son visa que le 11 juillet. The Lychee Road a obtenu le sien le 27 juin. Le film d’animation The Legend of Hei 2 n’a reçu son autorisation que début juillet. Autrement dit, 731 n’a tout simplement jamais été validé pour la projection, ce qui explique l’absence de préventes, de programmation ou même de simple bande-annonce récente.
Une demande de coupes dans les scènes les plus sensibles, jugées trop frontales ?
Rien n’est confirmé. Mais dans l’industrie du cinéma chinoise, certaines pratiques sont connues : retrait volontaire pour des soucis de postproduction ou manque de temps pour les éléments de communication, voire ajustement de la sortie en salles par rapport à une sortie simultanée à l’étranger. Autant de stratégies déjà observées, par exemple avec le feuilleton des reports successifs de la trilogie de Creation of the Gods.
Mais le sujet de 731 est parmi les plus délicats qu’un film chinois contemporain puisse aborder. La tristement célèbre unité 731 fut responsable de crimes de guerre parmi les plus atroces du XXe siècle. Vivisections, expérimentations sur civils, armes biologiques testées sur prisonniers : la réalité historique dépasse la fiction. Dès lors, adapter ce pan de l’histoire à l’écran implique un traitement subtil. Il faut montrer sans tomber dans le voyeurisme, évoquer sans provoquer, commémorer sans politiser excessivement.
Le succès actuel de Dead to Rights : il est possible d’émouvoir, de rendre hommage et d’éveiller les consciences sans provoquer de déflagration politique ou diplomatique, notamment avec les voisins japonais. Mais à l’inverse, une mauvaise exécution trop graphique, mal calibrée, ou émotionnellement dissonante, pourrait non seulement heurter les spectateurs, mais ternir le propos lui-même.
À ce titre, le nom du film à l’international se nomme désormais Operation Cherry Blossoms at Night soit le nom de l’attaque militaire japonaise planifiée contre des civils à l’aide d’armes biologiques.. Il remplace l’ancien titre plus frontal de 731 Biochemical Revelation.
Un report toujours prévu en 2025
Face à ces risques, la production semble avoir tranché : mieux vaut reporter, voire peut-être même repartir en postproduction, que de risquer d’ouvrir la boîte de Pandore. Car après Dead to Rights et Dongji Rescue portés par des cinéastes hautement qualifiés, 731 de par son terrible sujet se doit de trouver un ton juste entre mémoire collective, respect des victimes et efficacité cinématographique afin de ne pas se vautrer dans le bis racoleur du CAT-III, Men Behind the Sun (1988).
731 n’a jamais été conçu comme une œuvre racoleuse. En gestation depuis près de huit ans, Zhao Linshan, le réalisateur de The Assassins avec Chow Yun-Fat et Liu Yifei en 2012, n’a de cesse de souligner son intention de représenter l’Histoire avec retenue et respect, sans verser dans le choc gratuit.
Et au fond, c’est peut-être ce qui rend ce projet si délicat. 731 n’a pas pour but d’exploiter la souffrance, mais de la rappeler. Non pas pour effrayer, mais pour éveiller. Car comme le disait le réalisateur lui-même : « Oublier l’Histoire, c’est trahir les générations passées. »
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