Celestial-Empire.fr L’actualité du cinéma chinois à l’heure locale
Le 23 août 2025, à Changchun, dans la province du Jilin, s’est tenu le 8ᵉ China Film New Force Forum dans le cadre du Changchun Film Festival, un événement majeur réunissant réalisateurs, scénaristes, producteurs et représentants des institutions cinématographiques chinoises.
Sous une thématique centrée sur le lien entre cinéma et spectateur, le forum a exploré la manière dont les films peuvent s’ancrer dans la vie quotidienne tout en étant à l’écoute des exigences du public.
Plusieurs figures du cinéma chinois ont ainsi partagé leur vision et leur expérience. Parmi eux, le scénariste Xu Luyang du récent Dead to Rights, les réalisateurs Larry Yang (The Shadow’s Edge), Yu Shui (le film d’animation Nobody) et Dai Mo (Fireflies in the Sun) ainsi que Shi Chaoqun, directeur des effets visuels de Ne zha 2, et Zhang Miao, directeur général de Beijing Spendid Culture & Entertainment (Wolf Warrior 2, Dying to Survive), se sont succédé à la tribune pour évoquer les enjeux créatifs, techniques et industriels du cinéma contemporain. Le forum a ainsi exploré les défis liés au renouvellement générationnel, à l’innovation technologique et aux responsabilités culturelles à l’échelle nationale et internationale.
Les défis et opportunités du cinéma chinois aujourd’hui
Le vice-directeur exécutif du Bureau du Film, Mao Yu, a souligné que les jeunes créateurs chinois, comme ceux derrière les succès de l’année comme Ne Zha 2, Dead to Rights ou Nobody, démontrent une créativité et une force de marché inédites. Ces réalisateurs combinent imagination et enracinement culturel, prouvant que le cinéma chinois est capable de ramener les spectateurs dans les salles et de susciter leur applaudissement.
Mao Yu a souligné quatre grands défis auxquels le cinéma chinois doit faire face. Tout d’abord, la mutation générationnelle des spectateurs, avec les générations nées après 2000 désormais au cœur du marché, modifie profondément leur rapport à l’esthétique, aux valeurs, à l’information et aux émotions. Ces jeunes spectateurs recherchent des expériences plus immersives, des émotions intenses et des formes narratives innovantes. Ensuite, l’accélération de la révolution technologique transforme la création, la production et la diffusion cinématographiques : l’intelligence artificielle, les VFX, le cloud computing et les technologies XR ne sont plus de simples outils, mais redéfinissent la narration et l’esthétique, invitant les créateurs à explorer de nouvelles voies artistiques. La compétition avec les formats courts constitue un troisième défi : les vidéos courtes et les micro séries sur le web captent l’attention de manière inédite, obligeant le cinéma, à affirmer sa singularité et sa valeur face à cette fragmentation. Enfin, la mission stratégique nationale appelle à construire un cinéma puissant et résilient d’ici 2035, capable de renforcer les capacités des entreprises, d’organiser un marché compétitif mais inclusif, de moderniser les parcs industriels et d’assurer que le cinéma joue pleinement son rôle dans la diffusion culturelle à l’international.
Création et innovation au cœur du forum
Plusieurs figures du cinéma chinois ont partagé leur expérience et leur vision créative. Le scénariste Xu Luyang, pour Dead to Rights, a insisté sur le point de vue des « gens ordinaires », mettant en avant la mémoire collective et les sacrifices du peuple lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce choix de perspective, profondément empathique, cherche à faire résonner l’histoire dans la sensibilité contemporaine des spectateurs.
Face à la demande grandissante des spectateurs d’un deuxième opus à The Shadow’s Edge actuellement dans les salles en Chine, le réalisateur Larry Yang, a dit qu’il prendrait le temps nécessaire à la réflexion, soulignant l’importance de satisfaire les attentes des spectateurs tout en conservant un esprit artistique audacieux. Selon le réalisateur, l’une des ambitions du premier film était de conjuguer le savoir-faire artisanal des méthodes de surveillance qui peuvent sembler dépassées à l’heure des technologies mais qui reposent sur une intuition et des techniques d’une solidité remarquable. « Ce n’est pas de la nostalgie, mais un hommage à l’esprit de professionnalisme. » Parallèlement, le film visait à créer un antagoniste complexe et profondément humain, incarné par Tony Leung Ka-fai, dont chaque action traduit une émotion ou une tension, illustrant parfaitement le principe selon lequel « l’action est un dialogue » : « Dans l’affrontement final entre Jackie Chan et Tony Leung Ka-fai, les répliques sont réduites au minimum. Tout est dit à travers leurs gestes : la confrontation de deux vétérans, leurs émotions contenues, la folie de la vengeance, la tragédie d’un temps révolu. Tout cela se fond dans chaque coup porté, chaque mouvement. » Le réalisateur a également mis en lumière l’influence de Jackie Chan sur les jeunes cinéastes, qui observent sa rigueur et son engagement comme un modèle de transmission du savoir-faire et de l’éthique professionnelle.
Le réalisateur Dai Mo a insisté sur la dimension internationale du cinéma chinois, rappelant que les films ne doivent pas seulement être pensés pour le public national, mais aussi pour les spectateurs du monde entier. Depuis novembre dernier, Dai Mo s’est rendu à trois reprises à l’étranger avec des délégations cinématographiques chinoises. Il a constaté un vif intérêt pour les films chinois auprès du public étranger. Selon lui, la capacité à raconter des histoires enracinées dans la culture chinoise tout en restant universelles et captivantes à l’échelle internationale constitue un véritable défi créatif. Il a souligné l’importance de l’innovation visuelle et narrative pour séduire un public global, tout en conservant l’authenticité culturelle qui fait la richesse du cinéma chinois contemporain.
L’animation chinoise en plein essor
Ces dernières années, le cinéma d’animation chinois s’est imposé comme l’un des secteurs les plus dynamiques du pays, en conjuguant innovation formelle et inspiration puisée dans les classiques. Cette vitalité a donné naissance à un modèle de développement florissant, capable de séduire un large public bien au-delà des frontières nationales.
Le producteur Cong Fangbing a rappelé que le triomphe international de The Legend of Hei en 2019 avait révélé l’attrait mondial pour l’animation chinoise, insistant sur le fait que « partir à l’étranger » ne relevait pas seulement d’une stratégie commerciale, mais témoignait d’une véritable confiance culturelle. Cette confiance s’exprime notamment dans l’intégration de concepts philosophiques orientaux, comme l’idée que « toutes choses ont un esprit », et dans la représentation des paysages urbains et naturels contemporains de la Chine, réinterprétés à travers un imaginaire fantastique qui forge une esthétique orientale singulière. Pour Cong Fangbing, raconter avec sincérité des histoires issues de la vie quotidienne demeure la voie la plus authentique pour exprimer cette confiance et toucher le cœur des spectateurs du monde entier.
Yu Shui, le réalisateur du film d’animation Nobody, a présenté sa démarche dite de « mythicisme réaliste », combinant conte et réalité sociale pour que l’animation devienne un reflet des enjeux contemporains. Il a réaffirmé sa conviction que le cinéma en salle ne disparaîtra pas : face à la prédominance du court et de l’instantané, la rareté de l’expérience immersive renforce sa valeur et sa capacité à susciter réflexion et émotion.
De son côté, Shi Chaoqun, directeur des effets visuels de Ne zha 2, révèle avoir publié des documents techniques en open source pour favoriser la standardisation et la collaboration au sein du secteur. Quant au studio Light Chaser Animation, il a annoncé un plan ambitieux de deux sorties annuelles, explorant l’esthétique traditionnelle chinoise et les récits classiques avec des techniques modernes.
Marketing, audience et transmission culturelle
Zhang Miao, directeur général de Beijing Splendid Culture & Entertainment, a insisté sur l’importance du bouche-à-oreille pour attirer le spectateur en salle. La prise en compte de l’intelligence du spectateur et de son attachement à la culture locale apparaît comme un facteur déterminant.
Le forum a mis en lumière les axes stratégiques à suivre dans un avenir proche. Il s’agit d’intégrer pleinement la génération Z comprenant ses aspirations et sa sensibilité, d’intégrer la technologie comme l’intelligence artificielle et les CGI, non pas comme une fin en soi mais comme des outils au service de la vision artistique, de maintenir la profondeur culturelle en combinant divertissement et réflexion pour éviter toute superficialité, et enfin de réinventer le modèle industriel afin de soutenir un écosystème où grandes entreprises et studios indépendants coexistent harmonieusement, tout en adaptant la distribution aux réalités du marché.
Vers un cinéma chinois audacieux
Le 8ᵉ China Film New Force Forum a démontré que le cinéma chinois est à un tournant. Entre audace créative des jeunes générations, défis technologiques et responsabilité culturelle, les nouvelles forces du cinéma chinois cherchent à créer un langage propre, capable de séduire les spectateurs locaux et internationaux tout en affirmant son identité culturelle. Le forum a rappelé que, dans ce paysage en mutation, la réussite cinématographique repose autant sur l’innovation que sur la fidélité aux émotions humaines et à la profondeur narrative.
