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Pour rappel, Operation Hadal, superproduction militaire et maritime de Dante Lam produite par Bona Film, était arrivée en grandes pompes dans les salles chinoises pour le Nouvel An lunaire, le 29 janvier dernier. Présenté comme l’équivalent sous-marin d’Operation Red Sea, le film promettait un spectacle à très grande échelle, avec notamment la reconstitution grandeur nature d’un sous-marin nucléaire. Mais l’accueil n’a pas été à la hauteur des ambitions : le film n’a récolté qu’environ 55 millions de dollars au box-office chinois, pour un budget estimé à environ 140 millions de dollars.
Un revers cuisant pour Bona Film, qui n’a pourtant pas choisi de baisser les bras. Dès la mi-février, son président Yu Dong annonçait que le film ne serait pas retiré des écrans et, plus inédit encore, qu’un montage alternatif allait être conçu. Une décision historique dans l’industrie : jamais un blockbuster chinois sorti en salles n’avait été ainsi remanié après coup pour une ressortie.
Le réalisateur Dante Lam a reconnu que le choc avait été rude : « Ce Nouvel An était impitoyable, chaque film était redoutable. Nous étions les derniers à caler une sortie, avec une promotion tardive et des séances limitées. Beaucoup de spectateurs nous disaient qu’ils n’arrivaient pas à trouver de place. Peu à peu, le film a disparu du radar. »
Le producteur Yu Dong a lui aussi admis avoir sous-estimé l’effet d’aspiration colossal provoqué par Ne Zha 2, qui a écrasé la concurrence dès son lancement. L’annonce de sortie trop tardive d’Operation Hadal, liée à la sensibilité de son sujet militaire et à des délais de validation rallongés, a fait le reste.
Dans un entretien accordé à Yuli Studio, Yu Dong est revenu en détail sur ce choix audacieux de relancer le film : « Au moment du Nouvel An, beaucoup de spectateurs nous ont fait part de leurs impressions. Certains trouvaient que le rythme était trop relâché, d’autres que les scènes sous-marines manquaient de lisibilité. Nous avons pris ces remarques au sérieux. J’ai alors proposé à Dante Lam de réfléchir à une nouvelle version. Il a immédiatement accepté, et nous avons commencé le travail de reprise presque aussitôt. » Pour lui, la démarche était une manière de rétablir le dialogue avec le public : « Le cinéma n’a du sens que lorsqu’il y a interaction avec les spectateurs. S’ils nous disent que quelque chose ne fonctionne pas, nous devons avoir l’humilité d’écouter. »
Interrogé sur les pertes financières de Bona Film, évaluées à environ 1 milliard de yuans (140M$) au premier semestre 2025, Yu Dong a tenu à relativiser : « Ce n’est pas seulement Bona Film qui subit une telle pression, c’est toute l’industrie qui fait face à des tensions budgétaires. Notre rôle est de continuer à avancer, à apprendre du marché et du public, à améliorer nos méthodes. L’orientation de Bona Film ne changera pas : nous produirons toujours des films porteurs de valeurs positives et d’ambition technique. »
Le « Special Edition » d’Operation Hadal a donc été remonté et partiellement refilmé. Le film perd 16 minutes par rapport à la version originale, resserrant son intrigue et accentuant son rythme. Les scènes dialoguées les plus dispensables ont été coupées, d’autres séquences retravaillées, et la cadence générale a été accélérée pour tendre vers une approche plus frontale, rappelant celle d’Operation Red Sea.
Au-delà du montage, des ajustements techniques importants ont été apportés : passage en 48 images par seconde pour plus de fluidité, image éclaircie afin de rendre les scènes sous-marines plus lisibles, ajout de voix off et d’explications pour permettre au grand public – pas uniquement aux amateurs de stratégie militaire – de mieux suivre l’action. « L’équilibre entre réalisme et lisibilité était crucial, nous avons cherché un juste milieu », précise Dante Lam.
La promotion de cette nouvelle version a été pensée comme une relance à part entière, avec avant-premières, festivals et tournées promotionnelles. Signe fort, le film a été repositionné dans un calendrier commémoratif, celui du 80ᵉ anniversaire de la victoire sur l’envahisseur japonais durant la Seconde Guerre mondiale, renforçant sa dimension patriotique et symbolique.
Il faut rappeler que Bona Film n’en est pas à son premier pari colossal : le studio avait déjà mobilisé des ressources gigantesques pour The Battle at Lake Changjin et sa suite, triomphes au box-office mais parmi les productions les plus coûteuses de l’histoire du cinéma chinois. Operation Hadal devait s’inscrire dans cette continuité, mais cette fois l’équation économique n’a pas fonctionné.
Le « cas Hadal » restera unique dans l’histoire récente du cinéma chinois. Il illustre à la fois les limites d’un modèle industriel qui mise très gros sur quelques blockbusters patriotiques et l’émergence d’une nouvelle relation entre créateurs et spectateurs de moins en moins naïfs. En effet, la relance n’a pas trouvé son public : sorti à nouveau le 30 août dernier, le film peine actuellement à ramener les spectateurs chinois en salle et n’encourage pas les exploitants à lui redonner durablement de la place à l’affiche.
Quand ça ne veut pas… ça ne veut pas.
