Après l’entretien avec le compositeur Nicolas Errèra, Celestial Empire poursuit sa série d’entretiens consacrés à The Shadow’s Edge, actuellement en salles en France depuis le 3 décembre. Aujourd’hui, focus sur Zac Wang, également connu sous son nom chinois Wang Zhenwei, révélé en 2010 dans le reboot de Karate Kid. À treize ans, il y incarnait Cheng, le rival de Jaden Smith – un tournage marqué par une scène si intense que Jaden, alors âgé de onze ans, s’était mis à pleurer sous la pression. Déjà à cet âge, Zac faisait preuve d’une maturité remarquable et d’un sens du respect qui ne l’ont jamais quitté, allant immédiatement consoler son partenaire dès que la caméra s’arrêtait.
Son parcours martial est tout aussi précoce : envoyé à Pékin à quatre ans et demi à la Beijing Shichahai Amateur Sports School, il s’impose rapidement comme un élève d’exception, enchaîne les titres et intègre très jeune la National Wushu Team de Pékin, la même structure qui a vu émerger Jet Li, Donnie Yen ou encore Wu Jing.
Champion de wushu, il rejoint ensuite la Jackie Chan Stunt Team, où il s’affirme comme acteur et cascadeur. C’est durant cette période qu’il devient le stunt double principal de Simu Liu sur Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux, notamment pour la spectaculaire scène du bus. On le retrouve également sur Kung Fu Yoga, Vanguard, Hidden Strike, ainsi que dans The Battle at Lake Changjin et Water Gate Bridge et Song of the Assassins de Daniel Lee.
Dans The Shadow’s Edge, il incarne l’un des méchants du récit : un véritable bulldozer au sein du gang criminel, fils adoptif du redoutable Fu Longsheng, interprété par un Tony Leung Ka-fai magistral.
Dévoué, humble, doté d’une éthique de travail impressionnante, Zac Wang possède tous les attributs d’une future figure du cinéma d’action. Je souhaite le remercier chaleureusement pour sa grande générosité et la clarté de ses propos, qui révèlent un artiste aussi humble que déterminé. Bonne lecture.
Vous avez débuté à 13 ans avec The Karate Kid en 2010. Avec le recul, qu’est-ce que ce tournage vous a appris sur le métier, au-delà de la simple confrontation à l’écran avec Jaden Smith ?
Cette expérience de tournage ne m’a pas seulement appris à me battre, elle m’a aussi appris à jouer. Ce film a une grande signification pour moi : il a ouvert la porte de mon rêve de cinéma et m’a donné un profond intérêt pour ce milieu. C’est aussi la raison pour laquelle je n’ai jamais cessé d’apprendre et de progresser.
Il y a cette scène de confrontation dans le parc qui a beaucoup marqué le public : Jaden Smith s’était mis à pleurer tant l’intensité paraissait réelle. À seulement 13 ans, vous avez trouvé une manière très humaine de désamorcer la tension entre les prises. Pouvez-vous nous raconter ce moment et ce que vous en retenez aujourd’hui ?
La scène du parc a été pour moi une grande source de pression, car je devais frapper Jaden très violemment. Je savais que nous ne faisions que jouer, mais peu importe à quel point mon personnage devait être dur : dès que le réalisateur disait « couper », j’étais toujours le premier à courir vers Jaden pour l’aider à se relever et lui demander s’il s’était blessé, si ça faisait mal. Quel que soit le rôle que j’incarne, je dois avant tout respecter chacun, et respecter suffisamment mon partenaire. C’est seulement ainsi que nous pouvons offrir la meilleure performance possible.

En tant que doublure cascade de Simu Liu sur Shang-Chi, vous avez travaillé au cœur d’une machine très différente du cinéma chinois. Qu’est-ce qui distingue le travail dans une production américaine de celui sur un film d’action tourné en Chine ?
J’ai rejoint la Jackie Chan Stunt Team bien avant d’être doublure sur Shang-Chi. J’y ai acquis énormément de connaissances et de compétences. Quand j’ai intégré ce projet, je me suis adapté très rapidement. Le plus grand obstacle était peut-être la communication avec la langue, mais j’ai aussi appris très vite l’anglais nécessaire dans un cadre professionnel. La plus grande différence entre les deux expériences réside dans le rythme de tournage, mais pour moi, je peux m’adapter totalement.
Beaucoup d’enfants ayant tourné dans des films d’action s’éloignent ensuite du milieu. Qu’est-ce qui vous a donné envie de poursuivre, puis d’intégrer la Jackie Chan Stunt Team, plutôt qu’un parcours plus classique d’acteur ?
J’aime vraiment le cinéma et j’aime vraiment le kung-fu. Après ce film, je suis retourné à l’école pour continuer à étudier et m’entraîner. Peu de temps après, j’ai remporté le titre de champion national de wushu. Mais j’ai tout de même choisi de revenir sur la voie du cinéma, parce que j’aime profondément jouer. Je pense que je peux faire encore mieux et apporter au public de meilleures œuvres. C’est ce qui me permet de persévérer depuis tout ce temps.
Vous faites partie d’une génération de cascadeurs-acteurs capables d’apparaître autant comme comédiens que cascadeurs. Comment trouvez-vous l’équilibre entre ces deux rôles, et lequel nourrit le plus l’autre ?
Je veux devenir quelqu’un comme Jackie Chan et Tom Cruise. Je veux être un véritable acteur d’action : capable de faire des cascades dangereuses, de livrer des scènes intenses et spectaculaires, tout en proposant un jeu émouvant et marquant. C’est pour cela que j’étudie sérieusement l’art dramatique et que j’ai rejoint la Jackie Chan Stunt Team pour apprendre toutes les techniques d’action et de cascades.

The Shadow’s Edge met en scène des antagonistes complexes, notamment les fils adoptifs du personnage de Tony Leung Ka-fai. Comment Larry Yang vous a accompagné pour donner de la présence à ce rôle ?
Avant le tournage, Larry Yang m’a raconté beaucoup de choses sur l’histoire et la personnalité de mon personnage. Ensuite, chaque jour, j’ai étudié comment se comportent les gens ayant ce type de caractère. Je savais que j’interprétais un « méchant », mais il existe de nombreuses formes de méchanceté. Comment laisser une impression durable au public ? C’est ce à quoi je pensais constamment. Pendant le tournage, le réalisateur m’a éclairé : il m’a demandé d’imaginer que j’étais un bouclier. Même si je joue un mauvais rôle, je suis, dans l’équipe, le soldat de tête chargé de protéger mes « grands frères » et « petits frères ». Ce concept a donné plus de relief émotionnel au personnage. J’ai donc construit mon interprétation à partir de cette direction donnée par le réalisateur.
The Shadow’s Edge réunit notamment quatre membres de la 8ᵉ génération de la Jackie Chan Stunt Team révélés très jeunes dans The Karate Kid : vous-même, Su Hang, directeur d’action du film, ainsi que Lu Shijia et Li Lei, ses deux assistants sur le film. Comment vivez-vous ce parcours parallèle, de vos débuts d’adolescents à vous retrouver aujourd’hui côte à côte sur un film d’action majeur ? Y a-t-il une complicité particulière entre vous trois sur le plateau ?
Nous nous sommes tous rencontrés pendant le tournage de The Karate Kid. Nous partagions tous le même rêve de cinéma, et c’est ce rêve qui nous a poussés à avancer sans relâche. Jackie Chan nous a offert cette opportunité et cette plateforme pour grandir. Lors de chaque tournage, nous travaillons avec une grande complicité, nous nous aidons mutuellement, et nous nous efforçons tous d’atteindre le même objectif.

The Shadow’s Edge semble ouvrir une nouvelle étape dans votre carrière. Vers quel type de rôles ou de collaborations souhaitez-vous évoluer dans les prochaines années ?
Ce film m’a donné une occasion de me montrer. À l’avenir, j’aimerais interpréter des rôles plus variés, pas seulement des « méchants ». Dans le domaine des cascades et de l’action, j’ai déjà été reconnu par de nombreux professionnels : on peut voir ma présence dans beaucoup de films d’action, comme Shang-Chi. Dans le domaine du jeu, j’ai aussi reçu la reconnaissance de nombreux réalisateurs. J’espère devenir un acteur capable à la fois de combattre et d’interpréter, un véritable acteur d’action qui n’a pas besoin de doublure car je suis ma propre doublure.

Pour conclure, de nombreux fans vous suivent déjà en ligne : qu’est-ce qui vous a finalement décidé à créer votre propre site dédié à l’enseignement des arts martiaux ?
J’ai commencé les arts martiaux très jeune et j’ai plus de vingt ans d’expérience. J’ai donc créé un site dédié à un cours d’arts martiaux. Beaucoup de mes fans et amis m’avaient écrit auparavant pour dire qu’ils souhaitaient apprendre les arts martiaux. Mais il est impossible d’y parvenir simplement en regardant quelques minutes de vidéos courtes. C’est pourquoi j’ai créé ce site, afin de proposer mon cours et d’en faire la promotion.
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Propos recueillis par Thierry Lorenzi
Un grand merci à D. Weng pour avoir rendu cet entretien possible.
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