Entretien exclusif avec Su Hang, le maître d’œuvre de l’action sur THE SHADOW’S EDGE

Après l’entretien avec le compositeur Nicolas Errèra et celui avec le comédien-cascadeur Zac Wang, nous terminons cette série consacrée à The Shadow’s Edge de Larry Yang, actuellement dans les salles en France, avec un entretien exclusif accordé par Su Hang, le directeur d’action du film.

Depuis l’adolescence, Su Hang évolue au sein de l’une des institutions les plus emblématiques du cinéma d’action : la Jackie Chan Stunt Team. Repéré à 13 ans pour le tournage du Karate Kid de 2010 alors qu’il s’entraînait dans une école d’arts martiaux à Pékin, il intègre le camp de formation de l’équipe et découvre sur les plateaux la rigueur, l’humilité et la précision qui forment l’héritage de Jackie Chan.

Issu de la 8ᵉ génération de la Jackie Chan Stunt Team et figure montante du cinéma d’action, Su Hang s’impose comme un designer d’action dont la vision dépasse la simple chorégraphie : sens du rythme, lisibilité des gestes, dramaturgie du mouvement. Avec The Shadow’s Edge, il signe sa première véritable direction d’action sur un long métrage d’envergure, déployant une maîtrise rare qui donne naissance à des affrontements secs, nerveux et mémorables. Il apparaît déjà comme l’un des futurs grands maîtres de l’action chinoise.

Je souhaite naturellement remercier Su Hang pour sa disponibilité. Bonne lecture.

 

En tant que membre de la Jackie Chan Stunt Team, vous êtes le directeur d’action pour The Shadow’s Edge. Pouvez-vous nous parler de votre parcours au sein de l’équipe et de votre transition de cascadeur à directeur des cascades ?

À treize ans, j’ai croisé le chemin de Jackie Chan et de la Jackie Chan Stunt Team grâce au film Karaté Kid. À l’époque, je m’entraînais dans une école d’arts martiaux à Pékin. Par un heureux hasard, j’ai été sélectionné pour participer au camp d’entraînement de l’équipe. Je me suis entraîné avec les membres et j’ai participé à des tournages. J’ai perfectionné mes compétences grâce à l’expérience pratique acquise sur les plateaux. Plus tard, j’ai suivi Jackie et intégré l’équipe, travaillant sur les plateaux de tournage où j’effectuais les tâches les plus élémentaires : transporter des sacs d’équipement, porter des équipements de protection ou effectuer des réactions simples aux coups de poing. Grâce à ce travail, j’ai acquis de nombreuses compétences. Peu à peu, je me suis passionné pour la façon dont les séquences de combat étaient tournées. J’ai également expérimenté le tournage de séquences de combat avec des amis afin d’acquérir de l’expérience. Cela m’a finalement amené à m’essayer à la chorégraphie d’action, en tirant des leçons de scénarios de combat réels.

Dans The Shadow’s Edge, une scène utilise habilement des accessoires pour rendre hommage aux classiques de Jackie Chan, mais le style général est plus net et plus agressif. Jackie est clairement revenu à une conception d’action plus percutante et offensive. Comment avez-vous discuté ensemble de la chorégraphie ?

Lorsque nous avons reçu le scénario, notre priorité a été de discuter des personnages avec le réalisateur. Nous avons exploré différentes façons de concevoir des styles de mouvements distincts pour chaque rôle, qui reflètent authentiquement leur personnalité. La qualité intrinsèque du scénario mettait déjà en évidence l’esthétique stylisée du film : net, décisif et totalement féroce ! J’ai été vraiment enthousiasmé dès ma première lecture. Pendant la phase de conception, mon équipe et moi avons continuellement cherché des moyens innovants d’expression par le mouvement. Nous sommes restés fidèles au récit tout en créant des styles d’action plus captivants pour les personnages. Pendant la préproduction, nous avons réalisé de nombreux essais de mouvements afin de concrétiser l’esthétique du film et de clarifier le rythme de chaque séquence. Nous avons monté ces essais et les avons visionnés à plusieurs reprises avec le réalisateur et les acteurs principaux, en identifiant les points à renforcer ou à intensifier. Cela a permis à chacun d’entrer dans son rôle avec clarté et immédiateté pendant les prises de vues principales.

La confrontation culminante entre Jackie Chan et Tony Leung Ka fai dans le film est extrêmement intense. Comment avez-vous conçu cette séquence pour qu’elle soit à la fois authentique et qu’elle conserve cette impression inoubliable de brutalité ?

Cette scène était particulièrement difficile à réaliser. Dans la réalité, Tony Leung n’a pas la même expérience des arts martiaux que Jackie Chan, mais le film exigeait qu’ils semblent à égalité. Nous avons cherché à intensifier la confrontation à travers leurs identités opposées, en les forçant à se battre au corps à corps, où chaque coup porte un impact viscéral. Tous les mouvements devaient être courts, précis et directs, mettant l’accent sur l’impact réel plutôt que sur des fioritures stylisées pour l’effet visuel.

Une autre scène marquante est la bataille dans le corridor, où Tony Leung Ka-fai affronte plusieurs adversaires, dont l’atmosphère oppressante évoque le thriller Oldboy de Park Chan-wook. Était-ce un hommage intentionnel ?

Il n’y avait pas d’hommage délibéré. Le scénario lui-même imposait un rythme intensément oppressant et des contraintes spatiales ; nous avons développé l’action en nous basant uniquement sur la psychologie des personnages et la logique narrative.

Contrairement à de nombreux films d’action contemporains, The Shadow’s Edge privilégie la clarté et la tension dramatique dans ses séquences de combat. Ce principe a-t-il été établi dès le début avec Larry Yang ?

Oui, nous sommes parvenus à un consensus dès le départ. L’action du film ne vise pas à être spectaculaire, mais à laisser les émotions guider le corps, et le corps propulser le récit. Les plans doivent donc être clairs et épurés pour atteindre la tension dramatique souhaitée.

Comment s’est passée votre collaboration avec le monteur Zhang Yibo (One And Only, Better Days) ? Les séquences d’action que vous avez conçues ont-elles subi des ajustements lors du montage ?

Notre collaboration s’est déroulée de manière exceptionnellement harmonieuse. Zhang Yibo est un monteur exceptionnel et d’une efficacité redoutable. Ses coupes sont rapides et son rythme est d’une précision irréprochable. C’est en grande partie grâce à son talent que les séquences d’action ont ce caractère décisif et rapide.

Le style d’action de The Shadow’s Edge mélange plusieurs styles de combat, de l’aïkido au combat rapproché (CQC), en passant par la boxe et le taekwondo. Comment vous et le réalisateur Larry Yang avez-vous réussi à créer un langage stylistique à la fois unifié et distinctif à partir de ces éléments ?

En effet, nous avons cherché à établir une esthétique globale de « film d’action de haute couture ». Malgré l’incorporation de techniques diverses et de styles très contrastés, nous avons cherché à synthétiser une texture d’action cohérente, à la fois complexe et claire. Ces techniques n’ont pas été utilisées pour mettre en valeur les compétences en elles-mêmes, mais pour donner aux personnages des expressions physiques distinctes selon leurs différents états émotionnels. Nous avons continuellement ajusté la proportion et l’intensité de chaque style afin d’assurer des transitions fluides. En fin de compte, nous avons cherché à ce que le public perçoive un style « épuré mais riche », plutôt qu’un collage d’éléments martiaux.

Quels sont vos projets pour l’avenir ? Avez-vous de nouveaux projets en cours, notamment en tant que directeur d’action ?

Je continue de travailler et j’espère progresser encore. Quelle que soit la suite, je veux faire du mieux possible et rester fidèle à mes intentions premières.


Propos recueillis par Thierry Lorenzi
Un grand merci à D. Weng, M.Cannon et G.Ngau pour avoir rendu cet entretien possible.

À Propos de Tirry

Créateur et rédacteur en chef de Celestial Empire, connu également pour être le tenancier du site Jackie Chan France

À LIRE AUSSI

Box Office Chinois Hebdomadaire du 5 au 11 décembre 2025

Une semaine après son triomphe, le film d’animation américain Zootopie 2 reste solidement installé au …

Règles de conduite pour les commentaires :
  • Vous n'êtes pas autorisé à créer plusieurs comptes, si vous le faites, tous ces comptes seront supprimés et il se peut que vous soyez bannis.
  • Tout message dont le contenu est choquant, raciste, impoli, malveillant ou illégal sera édité/effacé et l'utilisateur sera banni.
  • Toute incitation au piratage est strictement interdite ainsi que la diffusion de liens vers des sites de warez, d'applications piratées ou autre.
  • Traitez les uns et les autres avec respect et bienveillance, les mots grossiers ne sont pas acceptés et l'utilisateur sera banni.
  • Les trolls ne sont pas tolérés. Ils seront bannis.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Je confirme avoir lu et respecte les règles de conduite.