Les sorties en salles de plusieurs films japonais, notamment l’anime Crayon Shin-chan : Super Hot! The Spicy Kasukabe Dancers et l’adaptation live japonaise du manga Les Brigades Immunitaires, ont été officiellement suspendues en Chine. Selon China Film News, les distributeurs et sociétés d’importation ont confirmé avoir pris « une décision prudente » après une nouvelle évaluation du marché et de l’état d’esprit du public chinois. Une mesure qui intervient dans un contexte diplomatique tendu, marqué par les déclarations jugées provocatrices de la nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi qui promet que Tokyo interviendra militairement si la Chine tentait de prendre le contrôle de Taïwan.
L’affaire trouve son origine après la sortie en grande pompe de Demon Slayer : La Forteresse Infinie en Chine. Grâce à la force d’une franchise solidement implanté en Chine, le film a démarré fort au box-office en cumulant en 5 jours 56M$. Mais l’engouement passé de la fanbase qui s’est ruée dans les salles ce week-end, l’onde de choc provoquée par les propos de Takaichi pourrait peser sur sa carrière en Chine, l’empêchant d’atteindre la barre des 100M$ en fin de carrière. Sur les réseaux sociaux, les propos de la Première ministre japonaise font un tollé. Pour les exploitants chinois, cette dynamique démontre que l’opinion publique influence directement la carrière des sorties japonaises, au point d’altérer la perception même de ces œuvres dans l’esprit des spectateurs chinois.
Ces dernières années, l’animation japonaise jouissait pourtant d’un contexte exceptionnel sur le marché chinois. Plusieurs films s’y sont imposés au-delà même de leurs résultats domestiques : Fin mars 2023, Suzume y a récolté 117M$ contre 104 millions au Japon, tandis que l’année dernière Le Garçon et le Héron a engrangé 109M$ sur le marché chinois, presque le double de son box-office nippon et ses 57M$. Ce phénomène, relativement rare dans le paysage mondial, n’avait jamais rencontré une telle régularité. Sur les 75 films d’animation japonais sortis dans les salles chinoises depuis 2015, 40% ont dépassé les 15M$ et plusieurs ont franchi les 40M$. Les studios bénéficiaient d’une combinaison unique : l’attachement générationnel lié aux séries télévisées classiques diffusées depuis les années 1980, la montée en puissance de la Gen Z cinéphile, et la familiarité culturelle entretenue par des décennies de mangas et d’animes.

Dans ce climat, la suspension des sorties japonaises prend une résonance particulière. Les sociétés d’importation et de distribution soulignent vouloir « respecter la volonté du public » et suivre les « règles du marché », convaincues que de nouvelles sorties rencontreraient un climat défavorable, voire hostile, tant les sensibilités nationales sont exacerbées. Le cinéma japonais a déjà connu par le passé des blocages liés aux tensions diplomatiques, comme la coupure de 2013-2014 au moment de la querelle des îles Diaoyu/Senkaku. Le schéma se répète : le secteur du cinéma devient un terrain symbolique permettant d’envoyer des signaux forts sans toucher à des domaines économiques considérés comme essentiels.
Les prochains mois diront si cette suspension marque une parenthèse ou le début d’un nouveau cycle dans la circulation des œuvres japonaises en Chine. Pour l’instant, les distributeurs adoptent une attitude d’observation, estimant que les déclarations politiques récentes suffisent à altérer durablement l’accueil du public. Mais tous s’accordent à dire qu’il s’agit d’un phénomène conjoncturel : la base de spectateurs reste massive, jeune, fidèle aux grandes licences. Un imaginaire japonais profondément apprécié des Chinois.
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