Mars, seize ans de cascades et… une dette en héritage

Mars, de son vrai nom Jiang Rongfa (ou Cheung Wing-Fat en cantonais), a récemment évoqué son parcours de cascadeur au sein de la célèbre Jackie Chan Stunt Team dans une interview récente. Durant seize années de carrière, il a enchaîné les cascades spectaculaires, mais son bilan est plus amer qu’héroïque : il quitte le groupe avec une dette de 90 000 yuans.

Il raconte que lorsqu’il rejoint l’équipe, son salaire mensuel n’est que de 5 000 yuans. Au fil des ans, il augmente peu à peu pour atteindre un peu plus de 10 000 yuans. Mais dans un métier où les blessures sont fréquentes, cette rémunération reste insuffisante pour vivre décemment. « Quand tu te blesses, il n’y a plus de revenu. Comment survivre avec seulement dix mille yuans ? », confie-t-il dans cet entretien. Une phrase qui illustre la dure loi du métier de cascadeur de l’époque : chaque blessure entraînait un arrêt immédiat de travail, et donc une perte sèche de revenus, sans filet de sécurité. Les conditions ont depuis beaucoup évolué, la sécurité des tournages s’étant considérablement améliorée.

Il convient de rappeler que la Jackie Chan Stunt Team a toujours assuré ses membres afin de pallier les conséquences des accidents, en raison notamment du refus des assurances de couvrir un métier jugé trop risqué. Jackie Chan lui-même a d’ailleurs souvent fait preuve d’une grande générosité envers ses cascadeurs, offrant à certains même des voitures.

Mars dans Dragon Lord (1982) de et avec Jackie Chan

 

Mars fait partie des têtes historiques de la Jackie Chan Stunt Team, l’un des tout premiers hommes forts du groupe, avant l’arrivée de figures emblématiques comme Ken Lo, Andy Cheng, Brad Allan, He Jun et plus récemment, Su Hang (le directeur de l’action remarqué pour son travail sur The Shadow’s Edge). Si les visages des cascadeurs du groupe apparaissaient souvent pour incarner de simples adversaires de passage, Mars, lui, a régulièrement bénéficié de rôles plus identifiables aux côtés de Jackie Chan, notamment dans Dragon Lord (1982). Il a également tenu l’affiche de la comédie d’action Naughty Boys (1983), aux côtés de Carina Lau et Kara Wai, confirmant une présence plus marquante à l’écran que nombre de ses camarades. 

Le passage ponctuel de Mars devant la caméra ne change pas vraiment la donne. Pour Le Marin des Mers de Chine (1983), il reçoit un cachet de 80 000 yuans. Le succès du film laissait espérer mieux pour la suite, mais son salaire diminue même sur la production suivante. Face à la concurrence, il accepte malgré tout.

Un temps, il croit entrevoir une solution. Grâce à une rencontre avec un artisan spécialisé dans les armes factices de cinéma, Mars participe à la création d’une société de location de matériel d’armes à feu pour le cinéma. Il y investit 180 000 yuans, soit 10 % des parts, via un arrangement qui prévoyait de déduire la somme de ses cachets futurs en tant que chorégraphe de combats. Rapidement, l’entreprise dégage de bons revenus grâce à la location d’armes et de munitions. Mars estime alors pouvoir récupérer environ 90 000 yuans, l’équivalent de sa part des bénéfices.

Mais il n’en voit jamais la couleur. Les gérants évoquent la nécessité de couvrir d’abord l’investissement initial avant toute redistribution. « J’étais actionnaire, mais je n’ai jamais vu un seul compte. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas touché un centime de cette société », déplore-t-il.

Le témoignage de Mars, livré dans cet entretien, illustre la précarité des cascadeurs hongkongais de l’époque : malgré leur rôle central dans le succès du cinéma d’action, beaucoup peinaient à sécuriser des revenus stables et à préserver leur santé. Derrière l’éclat des scènes spectaculaires, ce sont souvent des parcours marqués par les sacrifices, les blessures et, parfois, l’amertume. Pour mieux comprendre cette “époque folle” où rien ne semblait impossible et où les cascadeurs payaient parfois le prix fort, je ne saurais trop vous conseiller de vous tourner vers le passionnant documentaire Stuntmen : Never Say No (2020), consacré à ces artisans de l’extrême qui ont fait l’âge d’or et la réputation du cinéma de Hong-Kong.

Aujourd’hui, Mars n’a pas quitté l’univers de l’action, mais son quotidien est loin de la gloire passée. Il jongle avec de petits rôles dans diverses productions (New Kung Fu Cult Master) et poursuit son métier de cascadeur en tant que coordinateur sur des productions télévisées modestes à Hong Kong.

Mars dans le documentaire HK, Stuntmen : Never Sy No (2020)

À Propos de Tirry

Créateur et rédacteur en chef de Celestial Empire, connu également pour être le tenancier du site Jackie Chan France

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