New Wave Forum 2025 : l’industrie du cinéma chinois en quête de rigueur et d’humanité

Dans le cadre du Aranya Waves Film Festival, le forum « New Wave » a réuni les dirigeants des principales sociétés de production et de distribution chinoises comme China Film Group, Huayi Brothers, MaxTimes et Damai Entertainment (anciennement connu sous le nom d’Alibaba Pictures) pour dresser le bilan du dernier été cinématographique et tracer les perspectives de création, de financement et de diffusion à venir. Les échanges ont révélé une volonté commune de repenser les récits, de rationaliser les coûts et de renforcer le lien avec le public.

 

L’exemple phare de Dead to Rights

Fu Ruoqing, PDG de China Film Group

Fu Ruoqing, président de China Film Group, est revenu sur les motivations et le processus de production du film Dead to Rights, réalisé par le jeune metteur en scène Shen Ao. « China Film a pour mission de porter à l’écran les grandes étapes de l’Histoire », a-t-il rappelé, soulignant que l’année marquait le 80ᵉ anniversaire de la victoire de la résistance sur l’invasion japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. Le film s’est imposé parmi plusieurs scénarios en raison de son intensité émotionnelle et de sa cohérence narrative. Tourné entre février et avril, il a été mené avec une efficacité rare, grâce à une stricte fidélité au scénario et à une collaboration étroite entre la création et la distribution. Initialement prévu pour une sortie le 13 décembre, jour commémoratif du massacre de Nankin, il a finalement été avancé à fin juillet afin de s’inscrire dans la séquence commémorative de l’année.

Selon Fu, la stratégie de communication s’est articulée autour de deux axes : une tonalité d’humilité et de compassion, et une logique de rappel historique visant à conjuguer mémoire nationale et message de résilience. Le succès rencontré a conforté l’idée que ce type de récit, ancré dans la perspective des « petites gens », suscite une résonance durable auprès du public.

Wang Zhonglei, vice-président de Huayi Brothers, a profité du forum pour louer la méthode du réalisateur Shen Ao, déjà auteur d’un précédent succès avec l’efficace No More Bets en 2023 : un tournage pensé dès l’écriture en fonction du montage, sans gaspillage de moyens. « En deux semaines, un premier montage était prêt à être projeté », a-t-il noté, y voyant le modèle d’une nouvelle génération de cinéastes capables d’allier ambition artistique et efficacité industrielle.

 

Les leçons de The Shadow’s Edge

Li Jie, PDG de Damai Entertainment

Du côté de Damai Entertainment, Li Jie a insisté sur la grande réussite inattendue du dernier Jackie Chan, The Shadow’s Edge de Larry Yang avec également Tony Leung Ka-fai, Zhang Zifeng et Ci Sha. Produit avec des moyens limités, porté par un script jugé par le producteur parmi les plus solides de ces dernières années et rythmé sans lourdeur, le film a largement dépassé les prévisions initiales de la société de production. Li Jie a rappelé que l’attente était modeste, tant le film portait une certaine « couleur hongkongaise » alors que les productions HK connaissent depuis plusieurs années une baisse marquée au box-office. Le succès rencontré, à la fois commercial et critique, constitue donc une agréable surprise.

Cette réussite, souligne Li, doit beaucoup au travail de jeunes talents comme Su Hang, un jeune chorégraphe d’action issu de la « Jackie Chan Stunt Team », Zhang Yibo, un monteur inspiré qui a notamment travaillé sur Better Days (2019), Never Say Never (2023), One and Only (2023) ou encore She’s Got No Name de Peter Chan Ho-sun, et surtout le réalisateur Larry Yang, dont la progression à travers ses trois derniers films (Adoring, Ride On) est jugée « évidente ». Pour lui, le bon accueil de The Shadow’s Edge confirme que l’essentiel repose sur trois piliers : une histoire forte, un rythme soutenu, et une maîtrise budgétaire stricte.

Surtout, Li Jie a insisté sur une conviction : plutôt que de courir après les tendances de genre, tantôt le mélodrame, tantôt le film patriotique, il faut miser sur les metteurs en scène. « Un film se tourne pour un public qui le découvrira dans les deux ans. Prédire quel genre sera en vogue est alors illusoire. Mais si vous avez un réalisateur humble, curieux, attentif à ses erreurs et respectueux de ses producteurs comme Larry Yang ou Shen Ao, alors vous avez toutes les chances de réussir. »

 

Le cas douloureux de Dongji Rescue

Chen Lizhi, PDG de MaxTimes

À l’inverse, Dongji Rescue, coproduit par MaxTimes, a peiné à trouver son public. Son producteur Chen Lizhi regrette un film sous-estimé, victime d’une comparaison défavorable avec le documentaire The Sinking of Lisbon Maru et d’un contexte émotionnel déjà saturé par Dead to Rights. Pour lui, Dongji Rescue incarne pourtant une tentative rare d’aborder une histoire à la fois humaniste et dénuée d’idéologie. Li Jie a abondé dans ce sens, jugeant stériles les critiques destructrices relayées par les réseaux sociaux.

 

Des budgets à la loupe

Autre sujet central : la maîtrise des coûts. Fu Ruoqing a rappelé que dans le contexte actuel, un film visant le seuil symbolique du milliard de yuans de recettes ne devrait pas excéder 200 millions de yuans de budget, promotion incluse. Au-delà, le risque devient démesuré. Une discipline jugée indispensable pour assainir l’écosystème cinématographique, où les dérives inflationnistes comme des équipes pléthoriques, de stars entourées d’assistants, font exploser les dépenses. « L’efficacité doit redevenir une vertu », a-t-il insisté, citant en exemple le tournage maîtrisé de The Shadow’s Edge.

Wang Zhonglei, PDG de Huayi Brothers

Wang Zhonglei a renchéri : la Chine a besoin de superproductions, mais pas de gaspillage. L’essor des outils numériques et de l’intelligence artificielle peut, selon lui, remplacer nombre de dépenses superflues. Il a révélé que Huayi développait actuellement son « Torch Program », une série de projets intégrant l’IA, allant de la série courte au long métrage, avec déjà quatre œuvres en phase finale.

 

 

Un optimisme mesuré

En conclusion, les intervenants ont souligné que malgré un taux de réussite limité – à peine une poignée de films rentables sur plus de cent cinquante produits – le cinéma reste une industrie viable. À condition d’être lucide, de choisir ses projets avec discernement et de cultiver l’alliance entre sincérité artistique et rigueur économique.

Le forum « New Wave » a ainsi esquissé une feuille de route claire : des récits empreints d’humanité, un rythme narratif repensé, des budgets strictement maîtrisés, et une ouverture prudente mais assumée aux nouvelles technologies. De quoi, peut-être, redonner confiance à une industrie en quête d’équilibre.

À Propos de Tirry

Créateur et rédacteur en chef de Celestial Empire, connu également pour être le tenancier du site Jackie Chan France

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