Il fallait s’y attendre. Le destin de Rush Hour 4 pourrait une énième fois basculer. Le film évoluait déjà dans une zone d’incertitude : porté par Warner mais promis à une distribution Paramount, un accord révélé en interne dès le 25 novembre et qui avait surpris de nombreux salariés, beaucoup ayant découvert la nouvelle presque en même temps que la presse — même si plusieurs reconnaissent que la question avait déjà été évoquée au sein du studio.
Ce fragile équilibre a été bouleversé ce vendredi, lorsque Netflix a officiellement annoncé avoir signé l’acquisition de Warner Bros., comprenant ses studios cinéma et télévision, HBO, HBO Max ainsi que l’intégralité de son catalogue. Une opération colossale, valorisée à plus de 82 milliards de dollars, qui intervient après une bataille d’enchères acharnée.
La prise de contrôle effective dépend désormais des régulateurs, un processus qui pourrait durer douze à dix-huit mois, mais l’impact symbolique est immédiat : Hollywood doit désormais composer avec un nouvel ordre.
Au-delà du cas Rush Hour 4, ce rachat pose aussi une question cruciale pour le marché physique. Netflix n’a jamais montré le moindre intérêt pour la préservation ou la valorisation du catalogue en Blu-ray ou en UHD. De nombreux titres Warner risquent donc de rester bloqués dans les coffres numériques de la plateforme. C’est le cas de Drunken Master 2, dont Warner détient les droits internationaux : avec Netflix comme propriétaire, le film n’aurait quasiment aucune chance de revoir le jour en Blu-ray ou dans une restauration à la hauteur de son statut culte.
Rush Hour 4 se retrouve directement au cœur de ce séisme. Le film, conçu comme un titre de relance sous l’ère Warner, pouvait encore espérer une sortie pilotée par Paramount. Désormais, ce scénario n’a plus rien d’évident. Même si Netflix assure vouloir “maintenir les opérations actuelles de Warner”, rien n’indique qu’il laissera un concurrent direct exploiter un film issu d’un catalogue en cours de rachat. Le projet pourrait être maintenu tel quel si les engagements contractuels sont suffisamment avancés, mais il pourrait tout aussi bien être repris, remodelé ou repositionné selon la stratégie de la plateforme.
À cette reconfiguration industrielle s’ajoute une dimension plus sensible : Brett Ratner. Son retour derrière la caméra a déjà suscité de vives réactions dans l’industrie. Les accusations de harcèlement sexuel dont il fait l’objet – qu’il nie et pour lesquelles il n’a jamais été poursuivi – ont durablement marqué Hollywood. Il apparaît aujourd’hui très peu probable que Netflix, particulièrement attentive à son image publique, accepte de s’associer pleinement à un film dirigé par un réalisateur devenu si problématique. Cette question, déjà délicate sous Warner, devient centrale dans un contexte où chaque choix pourrait peser dans les discussions réglementaires.
On peut estimer même que Warner, conscient de la difficulté à assumer publiquement la présence de Ratner, a peut-être trouvé dans Paramount une manière de monétiser un projet embarrassant avant la vente, en externalisant la partie la plus visible – la distribution – tout en conservant juridiquement la licence dans la perspective de l’acquisition. Une manœuvre de transition, en somme.
Reste à savoir, si Rush Hour 4 voit réellement le jour, comment sera négociée sa promotion. De nombreux talk-shows américains refuseront de jouer le jeu, ce qui fragilisera davantage la visibilité du film. Dans ce contexte, le projet pourrait être réorienté comme produit d’appel numérique, idéal pour renforcer l’attractivité d’une plateforme – notamment Paramount+, si jamais l’accord initial avait été négocié en amont.
La solution la plus pragmatique serait pourtant de changer de réalisateur. Confier Rush Hour 4 à un cinéaste comme Edgar Wright ou Justin Lin donnerait au projet une légitimité nouvelle, cohérente et enthousiasmante tant pour les cinéphiles que pour la tenue artistique du film. Mais pour l’heure… l’ombre de Brett Ratner plane, et tout indique qu’il demeure lié au projet d’une manière ou d’une autre, ce qui rend ce scénario aussi souhaitable que difficile à concrétiser.
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